Au fond, il aurait tout aussi bien fait de ne pas se déplacer, vu l'utilité fulgurante dont il était sur le point de faire preuve en restant seul dans son coin, comme le solitaire de toujours qu'il était. Il était effectivement bien parti pour rester assis à l'écart des autres, sans oser approcher qui que ce soit, sans oser parler à qui que ce soit. Il le faudrait pourtant, dans la mesure où il lui fallait faire des efforts à ce niveau-là. Se montrer plus sociable serait vraiment un bon début pour tâcher de guérir de ses troubles, si tant est qu'il le puisse. Pourtant, Raphaël restait là, à observer bêtement ses camarades, à se prendre à rêver d'avoir le courage de s'approcher de Lulu, de Sven ou encore de Malik. Mais il n'y parvenait pas. Ce que son esprit lui dictait, son corps ne parvenait pas à l'effectuer. Il avait vraisemblablement trop peur d'être rejeté pour tenter quoi que ce soit, comme d'habitude. C'est alors qu'il parvint à entendre Daphné prendre la parole et exprimer plus ou moins clairement qu'elle ne comptait finalement pas quitter l'aventure. Raphaël n'avait pas tout suivi de cet épisode, mais il ne pouvait s'empêcher d'apprécier le fait que leur camarade souhaite rester. Il n'avait pas encore eu l'occasion d'apprendre à la connaitre, et même si son coté franc avait tendance à lui faire un peu peur, il ne serait pas contre tenter une approche à un moment ou à un autre. Mais tandis qu'il s'égara bien vite dans toutes les pensées qui peuplèrent son esprit, voilà qu'il sentit une main le tirer. Celle d'ELLIOT. Finalement, elle semblait vouloir passer la soirée en sa compagnie. Il la suivit sans un mot, et s'assit sagement à coté d'elle lorsqu'elle prit place près d'Otello et Ismay. Il était présent physiquement, mais pas tellement d'un point de vue mental. Beaucoup de choses l'avaient perturbé cette semaine, et il en faisait justement le point. Toujours profondément silencieux, Raphaël récupéra la main de sa camarade pour la serrer doucement dans la sienne. C'était le genre de choses qui lui prenaient ces temps-ci, et qui parvenaient généralement à l'apaiser. Il ne parvenait ceci dit toujours pas à articuler le moindre mot. Il se contentait d'écouter, d'observer. Le téléphone sonna. Bien.

Décision validée.
Sia sera donc immunisée pour les prochaines nominations. Cupidon te laisse lui annoncer la nouvelle.

J'entre sans grand conviction à l'endroit où se déroule le prime. Comme à l'accoutumée, je suis à la bourre. Mais ça, ça ne change pas de d'habitude. J'ai enfilé avant de venir, une espèce de tenue choisie à la va vite dans mon dressing. J'embrasse la salle des yeux, tout le monde est déjà là. Au loin, j’aperçois Elliot en compagnie de Raphaël. Et ça me fait un pincement au coeur. Ses paroles de l'autre soir me reviennent en pleine face comme une pluie d'acide. Je ne les fixe pas une seconde de plus, je n'en ai pas le courage. Alors, je baisse les yeux et je m'approche de TRIS à côté de laquelle je m'assois, sans pour autant ouvrir la bouche. J'ai pas envie de parler ce soir, je ne me sens pas d'attaque. J'ai mal, je suis vexé et renfrogné. Le téléphone fait son entrée et je vois les candidats défiler afin de gagner, ou perdre. Moi, j'reste dans mon coin. J'aurais bien besoin d'une clope ou même d'un joint pour m'emmener loin de là. J'ai pas l'coeur à la fête et je ne connais même pas les candidats en danger. Autant dire que ma présence ici n'est pas indispensable, je crois.

Je regarde, sourire en coin, Sven se ramasser une petite tonne de thune, ça le rend tout content et il serait bien incapable de le cacher: ça scintille sur son front. On apprend ensuite que le téléphone pourra sonner à tout moment: ça signifie accepter le bon vouloir de Cupidon: son humeur, qu'il aime ou pas ta gueule, etc. Je me demande si je ferais pas mieux de m'abstenir de répondre jusqu'à mon départ... Janette fait son entrée, se dirigeant droit sur celui que j'observais quelques minutes plus tôt, j'aperçois Mads auprès de son partenaire, que je ne connais pas, et Elliot, que je n'avais pas vue, cachée derrière une jolie brune élégante. Je nous aime bien, tous réunis, ayant tous fait l'effort d'arrêter toute activité pour venir, ça fait très grande famille pour le soir de Noël. C'est dommage qu'on soit là pour se déchirer, pour entendre des chroniques assassines, pour voir partir certains d'entre nous que nous n'aurons pas daigné sauver. Je crois qu'il existait des jeux similaires dans certains camps de concentration. Une fois par semaine, les SS organisaient des votes, et les prisonniers savaient que deux d'entre eux quitteraient l'aventure, comme on dit. Ceux qui n'avaient pas obtenu la majorité des voix. Mon regard se pose sur le nominé du soir à qui Daphné vient de présenter ses excuses. La mine hautaine et méprisante qu'il aborde dans le dos de Daphné raidit mes bras, mon torse, bref, me donne des envies de distribuer des baffes, mais je préfère me tourner vers la principale intéressée. Je souris à Daphné. « Les Louboutin et le sachet de lavande, bien sûr », je murmure, taquin. Callan – je connais son nom pour avoir été nominé à ses côtés lors du premier prime, s'avance près de nous et s'adresse à Daphné. Sûrement le rare qui sait voir au-delà des apparences, je ne peux que lui adresser, à priori, tout mon respect. Je le salue d'un signe de tête, lui indiquant d'un mouvement que son interruption ne nous a pas du tout coupés.

« Putain mais tu m'emmerdes... » Je soupire. J'ai pas le temps de finir de me maquiller que déjà, Callan m'embarque, il veut aller sur le plateau. Ouais mais non. Je ne suis pas prête ! J'ressemble à rien. Enfin si, j'suis canon, quoi qu'il arrive, mais c'est trop demandé de pouvoir finir de se maquiller en paix ou bien ? Ma robe est super simple, pour une petite Chanel. J'ai déjà fait plus excentrique. J'ai beau demander à mon mari, il s'en fiche. La seule qui compte c'est Daphne. Ok. Mais s'il me casse les couilles avec ça toute la semaine, ça ne va clairement pas le faire. Je le suis, je n'ai pas le choix, c'est délicat de protester avec des Jimmy Choo de douze aux pieds. Il se vautre, je m'installe avec délicatesse. Je croise mes jambes à la Blair/Sven. Daphne est convoqué à la barre. Elle ne dit pas grand chose, mais le nécessaire. Elle reste. Alléluia. Je soupire. Mais je n'ai pas le temps que déjà je me fais traîner. Il s'adresse à sa partenaire, je reste silencieuse. Ca vaut mieux, mais ô miracle, il me remarque enfin. « Oh non mon amour, le seul à tirer une gueule de six pieds de long, c'est toi... » Je souris, légèrement hypocrite. Il m'a gonflé. Je caresse sa joue. « Ca va mon ange, elle est là maintenant, tout va bien se passer. » Il m'a gonflé bis. Je parle de Daphne, bien évidemment. Je me penche sur lui. « Merci, je t'en serais éternellement reconnaissante. Une soirée de plus comme celle d'hier et je l'aurais buté. » Je déclare à la jeune femme, sincère, terriblement sincère. Enfin bon, comme je suis une jeune femme attentionnée, je l'embrasse furtivement. « Arrête de faire la gueule, t'es tellement plus beau quand tu souris. » Nouvelle caresse sur sa joue. Je fais la moue et souris. C'est bon, on arrête de jouer ou tu en veux encore ? J'suis lancé là. Du coup je loupe la moitié du prime, mais pour ce que ça change.

Je dors. Comme toujours. Je crois que je ne fais que ça depuis que je suis dans l’aventure. Je dois sérieusement avoir un gros problème. Entre la somnambulie de l’autre fois qui s’est transformée en sexomnie, j’ai de quoi me faire interner. Pauvre Joshua au passage. Heureusement, j’ai mis un réveil ce soir pour assister au prime. Enfin pas le meilleur réveil qui soit puisque j’ai choisi un son des plus inaudibles pour ne pas me louper. Et bingo ! J’émerge tout juste. Fuck off ! Je vais être en retard. Le prime vient de commencer. Direction la salle de bain pour me préparer en toute vitesse. J’enfile la première robe que je trouve qui se trouve être rose bonbon. Au moins, ce soir, je ne passerai pas inaperçue. Par pitié que Rumer ne me la pique pas incessamment sous peu. Elle a un don pour piquer les fringues des autres celle-là, c’est hallucinant. Enfin qu’importe. Je me brosse les dents, me lisse vite fait les cheveux, un petit coup de parfum et hop, je file sur le plateau pour assister au prime. Une fois sur place, je cherche un endroit calme où me poser. J’ai envie de tranquillité ce soir. Alors je file à côté de la brune portant un nom similaire au mien (SIANA). Je lui parlée une fois à propos d’un citron. Dommage qu’on n’ait pas fait plus amples connaissances. « Hey ! Pas envie de citron ce soir ? » Elle comprendra. Probablement. Oh, tiens, un téléphone rose. C’est Rumer qui va être contente. Oh bah oui puisqu’elle est la première a y répondre.

Le téléphone sonne, je sursaute bêtement sur place sous la surprise. Je me demande quel bruit remporterait la palme de la stridence dans un concours : l’alarme, la mélodie de Cupidon ou la sonnerie du téléphone rose. Chacun résonne bruyamment dans tout le village lorsqu’ils daignent se mettre en marche et en règle général, je ne suis jamais trop adulateur de ce qui suit : les bains de minuits et les semi-orgies très peu pour moi, merci bien. Je scrute le visage du candidat qui a eu assez de cran pour décrocher le combiné, mais manifestement il n’a pas reçu de mauvaises nouvelles. « Je suis désolée, j’aurais du t’attendre ! » me lance Maddie, en se jetant à mes côtés. Je lui souris, ravi de l’avoir finalement retrouvé et je réponds dans un haussement d’épaules égal. « Je ne savais même pas si tu avais déjà rejoint le plateau, tu avais juste disparu. C’est pas grave, je ne t’ai pas attendu non plus. » Et si je l’avais fait, j’aurais sûrement attendu longtemps en faisant le planton devant l’école pour fille. Nouvelle sonnerie, je grimace et jette un coup d’œil à la fille aux cheveux roses qui se ru vers le téléphone, avant de reporter mon attention sur ma partenaire. Je capture sa main dans la mienne et m’enquiert du déroulement du prime avec curiosité : « Et les appels ne vont pas arrêter de défiler ? ». Compte tenu que, comme la si bien souligné Cupidon, le téléphone rose fait tout juste son apparition cette saison, la jeune femme est sûrement incapable de me répondre, mais je peux m’empêcher de m’en remettre à elle. Pilier jusqu’au bout.