Je n’ai franchement pas l’habitude d’être impatiente – l’attente, le stress, ça me connait à force –, mais je dois dire que là, j’ai atteint une certaine limite de ce qui peut être acceptable dans mon cas. J’en ai marre d’être coincé dans cette loge, sur ce siège, alors que le coiffeur et la maquilleuse s’appliquent sur les derniers petits détails. Je soupire, peut-être un peu trop bruyamment, mais tant pis. Ils doivent avoir l’habitude, parait qu’il y a eu pire que moi dans le genre sale caractère, lors des saisons précédentes. Pas que j’ai suivi avec assiduité l’émission, mais les ouï-dire ont fait leur boulot de me renseigner. Ça m’a suffi. « Ça suffit, je crois. » lâchais-je d’un ton légèrement sec, et par magie, les deux se sont brusquement éloignés pour sortir de la pièce sans faire de caprice. À croire qu’ils sont entrainés pour ça. Bons chiens-chiens. Faudra que je pense à demander son truc à Cupidon, tiens. Je me lève, commence à faire les cent pas dans la pièce, me fixe un moment devant le miroir. Je chipote sur des détails : une mèche de cheveux rebelles, une trace de rouge à lèvres sur mes dents, un cil qui s’est égaré sur mon visage de porcelaine et ce pli sur ma tenue, oh bon sens, pourquoi ne veut-il pas rester en place, merde. Tiens, heureusement que monsieur Men in Black vient me chercher pour me conduire à la voiture. Non, mais il a intérêt à faire gaffe avec ce bandeau, et ma coiffure alors? Pfff, vraiment. On m’installe dans ce qui semble être une voiture – attendez, je suis aveugle, comment voulez-vous que je sache si j’ai raison ou pas. Ce pourrait être n’importe quoi. Mais bon, ça roule alors, ma logique implacable à fait son boulot. Quand on s’arrête enfin, je sais que le moment est venu. Enfin, pour ne pas dire. Y’a un grand type qui semble m’attendre. Ça doit être mon partenaire, je présume. Je me force à afficher un sourire sur mes lèvres, de ceux que je réserve au public ou au photographe d’ordinaire. Parce que, entendons-nous, ce soir, seule la première impression compte, et j’ai quand même partir sur de bonnes bases. Même si cela implique de me la jouer hypocrite quelque temps. Ou du moins me forcer à paraître sympathique et rigoler aux âneries de mes nouveaux camarades. En espérant qu’ils ne soient pas trop bêtes. Je vrille mon regard vers celui auquel je vais être rattachée pour les prochaines semaines. Ça aurait pu être pire. « Salut ! Je m'appelle Cameron mais tu peux m'appeler comme tu veux, parce que de toute façon je ne retiendrais pas ton prénom donc ce n'est que justice. Ce n'est pas personnel, ma mémoire est défaillante. » J’hoche la tête, assimilant l’information. Au moins, sur ce point, on est deux, tiens. « Je suis Brynja… mais puisque tu dis que tu n’as pas de mémoire, j’ai vachement l’impression que ce n’est pas très utile que je t’en informe, du coup. » Désolé, je n’ai pas pu m’en empêcher. Un petit sourire en coin avec tout ça, et ça passera comme une mauvaise blague, voilà, c'est fait. « Rassure-moi t’es majeur ? » Sérieusement? S’il chercher à m’offusquer, il a presque réussi. D’ailleurs, j’ai la silhouette d’une gamine, entraînement intensif oblige, d'accord, mais de là à passer pour une, il y a une limite. « Tu veux voir mes cartes d’identité, peut-être? » J’ai l’impression qu’on commence plutôt mal. Je me reprends. « J’ai vingt-cinq ans. » Et comme je me fiche de savoir le sien, je ne lui pose même pas la question. De toute façon, il faut faire notre entrée, le S.A.S. n’attends que nous, et je ne me fais pas prier pour le rejoindre. De l’autre côté, j’ai l’impression de me retrouver dans un monde de Bisounours. Sympa.

Sans rien dire il s'éloigne. Pendant un instant Marthie cru être tombée sur le best of the best des partenaires, mais non. Sa mâchoire se décrocha lorsque, au lieu d'aller lui chercher un verre, le dénommé Israel préféra divaguer vers une pimbêche brune et même pas belle. Enfin si mais là tout de suite elle l'aimait pas, alors elle était pas belle. Logique. Étant tout de même une personnalité calme, babyM ne se laissa pas submerger par l'humiliation qu'elle ressentait. Non, au lieux de ça elle se terra dans un coin, croisant ses jambes et jouant avec ses doigts telle une petite gênée et timide. Regardant chacun de ses camarades sans grande assurance, elle baissait les yeux à chaque fois que son regard croisait l'un d'eux. Ce qu'elle espérait intérieurement ? Constater qui serait le premier à succomber au jeu de la fillette. Simple, non ?

J'ai l'impression d'être arrivée depuis cinq minutes lorsque la pauvre maquilleuse qui va avoir du boulot vu l'état de fatigue dans lequel je me trouve commence à me maquiller. Je me laisse faire, j'ai l'habitude qu'on me maquille, je suis danseuse c'est mon quotidien avant les spectacles. Elle n'est pas méchante. Je lui demande si je peux fumer, elle n'ose pas vraiment me dire non mais je lis dans son regard que ce n'est pas une bonne idée. Je range mes cigarettes tant pis, plus tard. Le temps semble durer une éternité. Je perds la notion du temps. Tout ce que je sais c'est que je suis impatiente de faire mon entrée. Je sais que cette émission changera ma vie à jamais, en bien ou en mal, je ne le sais pas encore. Au bout de plusieurs heures, je pense. Je suis prête. Ma robe me plait assez, tout comme ma coiffure. Elle est courte mais ça passe. Rapidement, on vient me chercher, je reste silencieuse, j'ai une boule dans la gorge qui m'empêche de parler de toute façon. Et puis la voiture s'ouvre, je descends et découvre un homme, la trentaine et mon visage qui était crispé jusqu'alors se détend finalement. « Oh un vieux, merci mon Dieu ! » Je lance d'un enthousiasme déconcertant. Et merde. « Désolée le prends pas mal c'est un compliment, j'avais peur de devoir partager mon lit avec un adolescent. » Je souffle rassurée. Ma plus grande hantise. « Je te rassure, je ne parle pas autant d'habitude. Je ne parle jamais, mais j'arrive tout juste de New York, j'ai neuf heures de vols dans le nez, en plus j'suis toujours dans le décalage horaire. Je risque d'être particulièrement exécrable ce soir. Mais c'est loin d'être une habitude. » Le pauvre, il va me prendre pour une dingue. Je passe mon bras sous le sien et m'y agrippe. « Je m'appelle Everleigh, tu peux m'appeler... Everleigh, ce sera parfait. » Je lui souris, légèrement gênée par mon attitude qui ne me ressemble guère. Je lève les yeux à nouveau vers les siens, très beaux par ailleurs, comme pour lui donner le signe de me conduire à l'intérieur... « N'hésite pas à me dire de me taire si tu en éprouves le besoin. Je ne te garantis pas que ça fonctionne de suite mais sait-on jamais. » Je suis stressé bon dieu, pourquoi je suis autant stressée ?

Un, deux, trois, quatre, cinq ... Le nombre de candidats entrant dans mon champs de vision s'intensifiait, c'était énorme, trop de peuple, tue le peuple, je me contentais de les regarder, un à un, préférant ne pas bouger mes grosses fesses du buffet, après tout, c'était la meilleure place, pour grappiller discrétos tous les toasts intéressants et les coupes de champagne. En parlant de coupe de champagne, d'un coup, d'un seul, sorti de nulle part, l'une d'elle vint se poser sous mon nez, écarquillant les yeux, laissant tomber lâchement mon partenaire, je pris soin de remercier le jeune homme me l'apportant par un bref sourire « Salut Luce, je m'appelle Israel. » Je le regardais, septique, avant d'élargir mon sourire et de lui lancer un « C'est une blague?? » Voyant son air - trop - sérieux, je préférais un instant regarder ma coupe de champagne, comptant sans relâche les bulles y remontant.

Et puis « T'as peur ... De ta partenaire je veux dire? Regarde ... On dirait un chien abandonné » Je lançais mon regard vers la jeune fille qui avait préféré partir dans son coin « Tu sais, les chiens qui sont attachés à des poteaux devant les supermarchés ... A chercher quelqu'un qui vienne les caresser » Je souris un instant, regardant Israel dans les yeux, attendant une réaction de sa part, et, me rendant compte de mon manque de politesse, je fini par lancer « Au fait, je suis enchantée ... Enfin, contente de te connaitre, enfin non, je te connais pas ... J'suis enchantée que tu m'ai apporté cette coupe de champagne ... Tu crois que les plantes elles aiment le champagne? Je me suis toujours demandé, elles ont le droit, non, à leur moment d'extase alcoolique ... » Parler de trop? Non ! Jamais !

Elle ne tarde pas à saisir ma main et je l'entraine alors délicatement jusque dans le nid. Pas après pas, le décor se dévoile à nous. C'est magique. Nian nian, mais magique. En fait non, c'est plutôt la sensation qui est cool, le reste, mouais Y'a d'autres candidats non loin de là, ils m'ont l'air aussi bavards qu'intéressants, cool, heureusement que j'avais pensé à la corde en solution de secours, hm... « Très drôle. » je plisse un instant les yeux. Ouais, je sais, j'ai même toujours su que j'étais quelqu'un d'hilarant, elle se retenait d'ailleurs probablement de s'esclaffer en public, ce qui était compréhensible, une personne civilisée ne devait pas aimer cracher sur les autres. Surtout sur une beauté comme moi. C'était comme craché sur les pieds du petit Jésus, enfin vous voyez. Ouais, c'était une sorte de campagnarde 2.0, une campagnarde civilisée. Alors ouais OK, j'vous l'accorde, y'avait mieux que de traire les vaches toute la journée, mais au moins, j'étais sûr qu'une fois la nuit tombée, elle aurait des mains expertes, hm... « Enora. » enchanté. Ou presque. Non, en fait j'le suis, ouais, et je suis aussi tendu, tiens, il m'prend quoi là ? Bref, on avance, on avance, je manque de me prendre les pieds dans une marche mais me redresse comme si de rien n'était, ravalant toute la fierté qu'il m'était du d'avoir. Soit, beaucoup. Et on continue d'avancer, tiens. « Ça dépend. Tu proposes quoi ? » je lâche sa main pour la glisser dans ma poche et me positionne face à elle. « Je pourrais te montrer les chambres et faire envoler ta virginité par exemple, mais ce serait trop simple. » ouais, il fallait qu'elle court derrière moi, un peu, vous voyez. Et sur ce, je me retourne, balaye la pièce du regard et... « Viens. » je l'entraine une nouvelle fois, elle doit plus se sentir la pauvre, que de se retrouver sans arrêts à mes arrières. J'la comprends. Et là, on se positionne devant MADO, un sourire se dessine sur mes lèvres. « Campagnarde, j'te présente ma soeur. Mado, campagnarde ! » vous pouvez vous embrasser... Petit blanc. « Ah ouais merde ! T'es pas une campagnarde, désolé, ça va mettre du temps à rentrer. » je passe une main sur ma mâchoire. Bien quoi ?