Iz-may. Iz-may. Iz-may. Je me répète mentalement, plusieurs fois de suite la prononciation exacte, même si je sais de source sûre que je ne parviendrais jamais à ne pas l’écorcher même un peu. Le “ai” n’est pas un son courant dans ma langue maternelle, quasiment existant à dire vrai, néanmoins, l’allemand m’en a appris la prononciation. Je n’ai pas le temps de faire une nouvelle tentative à voix haute que sa réaction à mon prénom me coupe la parole. Elle cite Shakespeare, évidemment. Enfin non, ça n’a rien d’évident dans le contexte où nous nous trouvons si l’on part du principe que la sommes du carré de la moyenne des QI regroupés ici s’avère inférieure ou égale à zéro. Elle est donc un minimum cultivée, et ça me rassure suffisamment pour que j’en oublie de critiquer son choix de citation. Combien de fois l’ai-je entendu ? J’ai pris l’habitude d’y répondre par un sourire poli, mais j’aimerais qu’une fois dans ma vie on me surprenne en usant d’une toute autre. « Quand les démons veulent produire les forfaits les plus noirs, ils les présentent d’abord sous des dehors célestes. » voilà une citation que j’aimerais entendre, un jour, à l’évocation de mon prénom. Au lieu de quoi je me contente de sourire, comme toujours, et de répondre « La jalousie est prétention. Prétention de posséder quelque chose qui ne s’acquiert pas, ni ne s’achète. » comme toujours, de mon ton calme et bas, comme toujours... Comme toujours. Elle répond à ma dernière répartie par un rire, avant que nous ne soyons interrompu par une alarme me vrillant les tympans au point de me faire grimacer un instant. Était-ce réellement nécessaire ? Cupidon intervient, nous informant d’une répartition en différentes équipes. Je me trouve sous la tutelle de Neve, et je comprends, désormais, la question du portrait chinois. Ismay, quant à elle, semble avoir opté pour un présentateur bien moins féminin. Alix ? Je n’ai aucune idée duquel il s’agit. La voix de Cupidon s’éteint, et les conversations reprennent, y compris la notre. Ma partenaire en profite pour commenter ma proposition. Ainsi, m’informe-t-elle qu’elle se contentera de me savoir en vie. Soit. Je ne sais pas ce qu’elle attend de moi exactement, mais je m’adapterais. Je trempe mes lèvres à nouveau dans ma coupe, ne trouvant rien d’intéressant à répondre à sa requête, et très vite le liquide vient à manquer, ma lampée se transformant en gorgée, et gorgée suivante. Je crois que je ne sais plus vraiment où donner de la tête, tant tout me semble irréel. Je connais mal l’émission, mais pour le peu que j’en ai vu, je pensais atterrir dans un château, et non à l’air libre, au milieu de ce qui semble être une place de village. « J’aimerais comprendre où nous sommes... » je l’informe en lui faisant part du cours de mes pensées. « Et j’ai besoin de prendre de la hauteur, pour ça. » je poursuis en lui désignant l’escalier qui mène aux terrasses surplombant la place. « Tu veux bien m’accompagner ? » Il ne s’agit pas réellement d’une demande, encore moins d’une requête, je suppose simplement qu’elle ne désire pas que je la laisse seule, et formuler cette proposition l’abstiendra d’avoir le sentiment de s’imposer à moi. « Et en chemin, tu pourras m’expliquer ce qui est arrivé à tes cheveux... » Et j’affiche mon premier sourire amusé de la soirée, peut être même de la journée, en jetant un regard en biais à sa coiffure explosive. A croire que nous n’allons pas faire que partager un lit. Nous avons déjà partagé un coiffeur.

« Je ne regardes jamais la télévision… » Ah, bon. Je cligne des yeux ne sachant quoi ajouter d’autre, presque gêné de ne pas m’être montré plus éclairé sur ce coup, mais mes références culturelles ne font pas de tollé avec le dessinateur de bande-dessiné Hugo Pratt, ce qui me redonne un grand sourire, écho à celui qu’affiche ma partenaire visiblement très fière d’elle. Tel un monstre à six pattes, nous nous mettons à marcher tous en même temps jusqu’au buffet, il en faudrait peu pour qu’on ne se colle pas les uns aux autres pour affronter les autres candidats, jusqu’à ce que Mads se détache de la bande pour nous servir nos boissons. « Des bulles ? Plutôt alcoolisées ou pas ? » Mes yeux courent le long de la table à la recherche de ce qui pourrait convenir à mon régime alimentaire extrêmement restrictif et ennuyeux. « Un jus de fruit serait parfait. » je demande en posant mon regard sur une bouteille, qui ne semble même pas avoir été effleuré par un autre habitant. La jeune femme sert un verre à Fantine, puis m’en tend un à mon tour que je m’empresse de siroter du bout des lèvres. La soirée touche à sa fin, les habitants commencent d’ores et déjà à se disperser de droite à gauche pour visiter les alentours. La température a par ailleurs sensiblement baissée depuis notre arrivée en voiturette de golfe. Autant j’avais la chance d’être vêtu d’une veste, autant mes deux interlocutrices devaient grelotter de froid dans leurs robes qui laissaient entrevoir tout un hectare de peau nue. « Je vais essayer de trouver les chambres si ça vous dis de… » je ne termine pas ma phrase et me contente de les interroger chacune leurs tours du regard, avant de leurs emboiter le pas sur le chemin que plusieurs candidats ont déjà emprunté.

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